by Scander Safsaf. 01/04/2018. Algerian Freedom Alliance.
Allié actuel de la fédération de Russie et par suite d’un passé teinté d’idéologie populiste et socialiste, les responsables algériens, renseignement en particulier, développent depuis toujours une aversion stratégique à toute implication étrangère directe, mais aussi une réelle appréhension d’un encerclement des forces de l’OTAN avec la présence déjà de bases militaires françaises et américaines au sahel. L’instabilité déjà régnante en Libye et Tunisie couplée à un blocage politique au Sahara Occidental, mettent encore plus à mal les processus d’intégration régionale et augmentent sensiblement ce sentiment de paranoïa au sein de ses dirigeants. Fort, donc, du support de son allié historique, le régime algérien met en pratique pour cette partie du monde une politique mêlant agenda énergétique et approche globale. Sur fond d’enjeux gaziers et pétroliers, la présence russe au sahel n’est certes pas directe, visible, ni même porteuse de projets concrets, mais n’en demeure pas moins marquée, proactive et multiforme. Que ce soit par l’intermédiaire de l’armement fourni aux forces armées algériennes, de la formation prodiguée à toute une génération d’officiers du renseignement ou simplement par les activités discrètes de nombreux conseillers militaires dans des bases du sud, cette présence, bien réelle, illustre bien l’interpénétration idéologique et opérationnelle de leur service de sécurité. Pour l’allié russe cet engagement est porté par deux axes essentiels, l’un quelque part rhétorique, l’autre énergétique.
Tout d’abord notons que support et assistance à son commis algérien entrent dans le cadre d’un dimensionnement le plus large possible de leur partenariat stratégique. Ce dernier, prenant donc forme le long de nombreuses collaborations, laisse en Algérie une empreinte indéniable sur les rouages décisionnels, leur fonctionnement, en imposant certaines limitations et autres contraintes au système. Véritable droit de regard sur les réalités algériennes, c’est au travers cette collaboration multi dimensionnelle qu’il faut comprendre la capacité russe à convaincre, influer et jouer à son avantage le substrat algérien. Plusieurs arguments décisifs constituent les principaux vecteurs de cette pénétration et l’on peut par exemple citer la situation au Sahara occidental ou la fourniture de matériels sensibles.
Engagement porté d’autre part, par son positionnement énergétique avec la volonté de sécuriser en sa faveur un axe gazier majeur, celui drainant et reliant les bassins pétroliers d’Afrique centrale et de l’ouest, à l’Europe du sud. Une majorité du gaz européen étant déjà fourni par des entreprises russes, il est d’un intérêt vital, obsessionnel même d’être au premier rang des compagnies impliquées dans ce projet. La récente création d’un forum des pays producteurs de gaz illustrant bien la volonté du kremlin d’être au plus prés des prix du mètre cube gazier. Un gazoduc acheminant une quantité potentiellement appréciable de ce combustible sur les marchés européens constitue donc une donne fondamentale pour sa géopolitique gazière . La construction d’une canalisation reliant les champs pétrolifères nigériens au réseau algérien déjà en place, même si elle n’est pas abouti, attire bien évidemment beaucoup d’intérêts. De fait, cet axe constitue en soi une véritable colonne vertébrale énergétique de laquelle irradierait tout une série de nervations périphériques, la reliant à des champs de plus ou moins grande importance. Du Tchad à la Mauritanie, en passant par le fort potentiel récemment mis à jour en Afrique centrale, le pré positionnement d’entreprises telles que Gazprom ou d’établissements spécialisés dans les conduites gazières, en Algérie, n’est pas anodin et pose la question de cette intimité entre les deux nations. Entre convergence d’intérêts économiques et collusion d’ordre stratégique, la, les démarcations demeurent souvent floues, brouillées même, mais certainement porteuses de toutes les aspirations de leur élite respective. Volonté d’être l’acteur principal du jeu énergétique européen pour l’une et de rester dans le jeu stratégique régional pour l’autre, en y impliquant un état nucléaire. Dans quelle mesure dès lors, au delà de l’existence de cette alliance, dans quelle mesure celle-ci structure les options existantes pour la problématique sahélienne. Si effectivement le champ des options se trouve être limité par cette entente, n’est-on alors pas dans une forme de blocage structurel. De par son implication, apparente ou non, sécuritaire ou énergétique, sous quelque forme que ce soit, la présence russe n’est certainement pas sans conséquences sur le paysage géopolitique sahélien. En faisant le choix d’une relation stratégique, en donnant proéminence et quasi exclusivité à son industrie d’armement, en se démarquant et s’isolant des récentes avancées de la communauté internationale, l’Algérie finit par quelque part s’imposer des limitations, profondes, difficilement surmontables, structurelles dirons nous, rendant compliqué toute intégration régionale ou solution concertée. C’est dans cette logique qu’il faut comprendre la volonté de la communauté internationale d’avancer coûte que coûte sur le dossier sahélien, quitte à faire sans l’acteur algérien.