by Scander Safsaf. 01/04/2018. Algerian Freedom Alliance.
La dégradation depuis quelques mois de l’environnement sécuritaire au Sahel pose encore plus la question de l’implication et du rôle des principaux protagonistes dans cette région. Acteur important du fait sécuritaire local, l’Algérie ne prend toutefois pas part aux dernières initiatives en la matière; Des réunions de soutien et de collecte de fonds organisées à Paris en décembre 2017, à la mise en place effective du G5 Sahel et de son état major à Ouagadougou, l’absence remarquée du pays n’est pas sans soulever quelques questions. Rappelant tout de même que tous les états du sahel ainsi qu’une communauté internationale forte de la coopération islamique et des pays occidentaux prennent part à ces initiatives à divers degrés d’implication.
Marquée par une décennie des plus sanglantes, l’Algérie élabore pour cette zone une approche politique et sécuritaire répondant à ses propres impératifs. La longue lutte contre la rébellion islamiste des années quatre vingt dix y laisse en effet une trace visible, non seulement sur la conscience collective, mais également sur les fondamentaux stratégiques du régime, en imprégnant fortement ses priorités telles qu’élaborées dans son “livre blanc”. Plusieurs constantes s’en dégagent. En particulier l’idée d’une bulle protective, zone grise enveloppant ses frontières sud, qui jouerait le rôle d’un tampon absorbant et endiguant du terrorisme islamiste. La situation actuelle au Sahel constituant quelque part un dégât collatéral de cette stratégie d’endiguement. Favorisant de fait pour le Sahel ses propres initiatives et une gestion plus localisée du conflit, le pays prend toutefois le risque d’un isolement dans la région et d’une perte d’influence. Tentant de garder la main et anticipant cette perte d’influence, c’est dans cette optique qu’il faut analyser le récent mouvement d’intégration de populations sahéliennes au sein du territoire algérien. Ces dernières constituant bien évidemment un levier d’influence important par leur enracinement dans toute la région, mais également une manière de vider de sa substance le nord Sahel tout en diluant en son sein de possibles revendications ethno-centrées (Y a-t-il un malaise chez les Touaregs algériens ? TSA 3 mars 2018).
Après le repli stratégique des groupes djihadistes nord algérien et suite à un conflit libyen meurtrier, des quantités considérables d’hommes et de matériel se déversent sur les pays sahéliens, déstabilisant de manière durable une région au tissu déjà fragilisé par des problématiques liées au fait ethnique, religieux et stratégique. Profitant d’une vacance de pouvoir sur ces étendus désertiques et tirant leur épingle du jeu, des groupes armés aux intérêts difformes, divers, se développent, interagissant entre eux et produisant une scène en constante recomposition selon les agendas des uns et des autres. Mesurant l’urgence de la situation, la communauté internationale s’y investit donc activement, sous forme de missions de soutien humanitaire, logistique et militaire. Des opérations Serval et Epervier aux missions de la Minusma et Eucap, cette dernière, souvent de manière redondante, occupe le spectre du champ d’intervention, tentant tant bien que mal de remédier aux carences des états de la région et de contenir la menace terroriste. Sur fond de rivalités ethniques entre entités arabe, noire et touareg, se greffent plusieurs problématiques liées au terrorisme islamiste, au partage des richesses (minérales et hydriques surtout) et à des oppositions entre puissances, le tout dans un cocktail explosif, détonant même, comme lors des derniers événements tragiques au Burkina Faso.
Acteur régional d’une certaine importance, l’Algérie contribue à plusieurs reprises au dialogue régional sans toutefois s’impliquer au delà de ses propres préceptes, c’est à dire non intervention et règlement des conflits sans implications étrangères. Préceptes au demeurant limitant puisque faisant fi, d’une part de la faiblesse structurelle des états sahéliens et d’autre part de l’imperatus sécuritaire nécessitant de frapper fort et en profondeur ces bandes armées. Il n’y a guère de doute que comme sur son flanc est des opérations commandos furent menées conjointement avec des forces internationales (Des commandos algériens dans le sud libyen; Algerie Focus 12 juin 2014), mais cela uniquement de manière sporadique et limitée pour des raisons de politique intérieure. Malgré de réels efforts, tel que la création d’un état major conjoint des forces armées de la région (CEMOC Tamanrasset), la contribution ces dix dernières années en fonds et en matériel à hauteur d’une centaine de million de dollars, les derniers développements sécuritaires au nord sahel tendent à démontrer la limite de ces actions (Eléments Force Barkhane intervenant seulement à quelques kms des frontières algériennes) et amènent la question d’une véritable intégration régionale d’abord, puis internationale évidemment. Forte d’une importante communauté targui et garant déclaré des intérêts de celle-ci dans la région, au travers entre autre de personnalités publiques telles que l’amenokal, mai aussi par son droit de regard sur les nombreux conseils tribaux, le pays dispose d’un véritable atout et un levier certain sur les processus décisionnels locaux. L’Algérie, pour diverses raisons, ne tire toutefois pas profit de ces avantages et d’un positionnement géopolitique singulier, amenant au final une latence sécuritaire quelque peu préjudiciable à la stabilité locale. Une explication plausible tient à la nature même du régime algérien et de ses alliances, mais l’on peut aussi évoquer comme raison la spécificité de son approche sécuritaire avec toutes les conséquences collatérales qui en découlent.